Quels critères pour définir la fin de vie ?
Dans le langage courant, la notion de fin de vie recouvre une pluralité de situations. Il peut s’agir d’un stade avancé de la vieillesse, avec ses prémices de complications fonctionnelles, mais aussi des derniers instants de l’agonie suite à une longue maladie ou à un accident. Dans chaque cas toutefois, on note que les actions thérapeutiques se révèlent inefficaces et l’échéance de la mort, inéluctable.
La fin de vie peut alors se définir comme les derniers moments de l’existence d’une personne qui, touchée par un mal incurable, voit son pronostic vital engagé.
Pour le corps médical, la définition et la qualification d’un patient en fin de vie s’articulent autour de différentes problématiques :
- Une altération irréversible et constante de l’état de santé (phase terminale d’un cancer, AVC avec destruction des fonctions cognitives…).
- Une période de défaillance susceptible de s’aggraver (ou non) telle qu’une démence ou une crise suicidaire.
- Une dégradation erratique des fonctions cognitives en raison d’une pathologie lourde et évolutive (troubles cardiaques ou respiratoires…).
- Un état de résignation associé à une diminution des capacités fonctionnelles (personnes âgées dépendantes, tétraplégie…).
Les signes annonciateurs de la mort sont parfois simples à repérer, mais peuvent également se révéler difficiles à percevoir en fonction des patients. De nos jours, les nouvelles technologies médicales permettent de prévoir avec précision si le malade ou l’accidenté se trouve en fin de vie ou non.
Le diagnostic est primordial afin que l’équipe médicale ainsi que l’entourage puissent mettre en œuvre un accompagnement adapté à chaque situation.
La création des soins palliatifs
Le Code de la santé publique définit les soins palliatifs comme « des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. » Cet accompagnement des derniers moments de vie a plusieurs vocations :
- Préserver la dignité de la personne malade,
- Soulager sa douleur tant physique que morale,
- Soutenir ses proches.
Premier établissement hospitalier spécialisé dans les soins palliatifs, le St Christopher’s Hospice a été fondé en 1967 à Londres par Cicely Mary Saunders, reconnue comme la pionnière du mouvement.
En France, la circulaire Laroque de 1986 relative à l’organisation des soins et de l’accompagnement des malades en phase terminale est à l’origine d’avancées majeures dans les soins palliatifs. Le texte pose le cadre de ce type de soins et donne lieu à la création de la première unité des soins palliatifs (USP) dans un pays qui présente à cette époque un gros retard en la matière.
En 1989, la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) permet de sensibiliser l’ensemble des acteurs (professionnels, monde associatif, bénévoles, pouvoirs publics) à la culture des soins palliatifs sous la devise « Accompagner et soigner ensemble ».
La loi du 31 juillet 1991 introduit les soins palliatifs comme mission de chaque établissement de santé.
La loi Kouchner sur l’accès aux soins palliatifs
Dès 1993, le rapport Delbecque pointe des insuffisances dans le développement des soins palliatifs en France et demande des moyens supplémentaires.
La loi Kouchner du 9 juin 1999 vise à répondre à la demande du terrain en intégrant la gestion des unités de soins palliatifs dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire et sociale (SROS). Cela permet notamment de passer de 54 unités en 1998, à 99 unités en 1999.
Le texte permet en outre plusieurs avancées majeures :
- La loi garantit un accompagnement ainsi que l’accès aux soins palliatifs à tout individu malade dont l’état l’exige.
- La personne malade dispose du droit de s’opposer à toute investigation médicale ou traitement thérapeutique.
La loi Kouchner instaure également le droit à la sédation médicamenteuse afin de soulager les douleurs et les souffrances psychiques, ceci afin de sauvegarder la dignité de la personne malade et de soutenir son entourage.
La loi Léonetti du 2 avril 2005 sur la fin de vie
Dans les années 2000, l’affaire Vincent Humbert relance le débat sur l’accompagnement de fin de vie. Face à la fréquence des euthanasies clandestines en milieu hospitalier, une mission d’évaluation de l’Assemblée nationale donne lieu à l’adoption de la loi Léonetti du 2 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.
Le texte débouche sur l’interdiction de l’acharnement thérapeutique tout en excluant la possibilité d’une euthanasie active telle qu‘elle existe au Pays-Bas, en Belgique ou encore au Luxembourg.
Ainsi, dans ses articles 1 et 9, le texte proscrit toute « obstination déraisonnable en matière de soins et la prolongation artificielle de la vie » et ce, même si le patient n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté. Dans ce cas de figure, la décision de cessation de traitement s’appuie sur une décision collégiale de l’équipe médicale, de la personne dite « de confiance » et des proches du malade.
Le patient en état de s’exprimer doit, quant à lui, être informé sur les conséquences de sa décision d’arrêter ou de limiter le traitement et son choix doit être respecté.
Le texte encadre également les procédures d’arrêt des traitements et autorise la mise en œuvre d’une sédation profonde afin de soulager la douleur physique et la souffrance psychique du patient mourant.
Bon à savoir : Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, chaque individu majeur est autorisé à désigner par écrit une personne de confiance afin de le représenter dans ses décisions médicales s’il venait à ne plus se trouver en mesure d’exprimer ses volontés.
La loi Clays-Leonetti du 2 février 2016
Promulguée le 2 février 2016, la loi Clays-Léonetti permet d’étendre les droits des personnes en fin de vie. Le texte établit clairement les conditions d’arrêt des traitements afin de proscrire l’acharnement thérapeutique des personnes dont le pronostic vital est engagé. Il instaure également un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Visant à altérer l’état de conscience, ce type de sédation consiste à endormir profondément le patient d’une maladie incurable afin de soulager les douleurs réfractaires (douleurs persistantes que l’on ne peut soulager), en y associant un analgésique et l’arrêt des traitements de maintien en vie. Il ne s’agit en aucun cas d’une euthanasie active. La sédation profonde n’entraîne pas la mort, c’est la pathologie qui évolue naturellement jusqu’au décès. Elle est donc administrée le plus tard possible dans l’évolution de la maladie.
La loi Clays-Léonetti permet également à toute personne majeure, ou bien à la personne de confiance désignée, de rédiger des directives anticipées afin d’indiquer ses souhaits en matière de prise en charge de sa fin de vie. Ces directives s’imposent alors à l’équipe médicale.
Concrètement, cette loi réaffirme le droit du patient à mourir dans la dignité et sans souffrance et renforce la prise en compte des volontés exprimées par la personne mourante.
Des droits spécifiques pour accompagner la fin de vie
Accompagner une personne en fin de vie est une épreuve douloureuse qui requiert une grande disponibilité. Des droits spécifiques permettent aux aidants d’être présents dans les meilleures conditions possibles.
Le congé de solidarité familiale
Le congé de solidarité familiale permet à un salarié, un travailleur indépendant ou un agent public de s’absenter de son poste de travail pour accompagner un proche en fin de vie. Le congé débute à la demande de l’aidant pour une durée maximale de 3 mois renouvelables une fois. Il est possible de fractionner cette durée sur une période de 6 mois maximum ou d’opter pour un temps partiel.
Pour y prétendre, la personne en fin de vie doit présenter une pathologie incurable en phase terminale qui engage le pronostic vital. Le demandeur doit être un proche du malade (conjoint, concubin, frère, sœur, parent, grand-parent, enfant…) ou le cas échéant, un salarié désigné comme personne de confiance.
La demande de congé s’effectue auprès de l’employeur, par lettre recommandée assortie du certificat médical de la personne à accompagner. Si les conditions sont réunies, ce dernier n’a pas le droit de refuser le congé.
Non rémunéré, le congé de solidarité familiale peut toutefois ouvrir droit à une indemnité spécifique : l’AJPA.
L’AJAP
Les personnes bénéficiant d’un congé de solidarité familiale peuvent prétendre à l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (AJAP) lorsque le malade qu’elles accompagnent est hébergé à domicile, chez l’aidant, en maison de retraite ou en EHPAD (Établissement d’Hébergement pour Personne Âgées Dépendantes). En revanche, en cas d’hospitalisation de la personne en fin de vie, cette aide n’est plus accessible.
Cette aide financière est versée par la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) sur une période de 21 jours maximum, ou de 42 jours maximum lorsque le congé concerne un temps partiel. Son montant s’élève à 60,55 € brut par jour et à 30,28 € brut dans le cas d’une activité à temps partiel.
Un débat toujours ouvert
Toutes ces avancées législatives, et en particulier la loi Clays-Léonetti, ont permis d’améliorer les conditions de fin de vie des malades en autorisant la sédation profonde, que l’on peut assimiler à une euthanasie passive, sans que le terme ne soit pourtant énoncé dans les textes de loi.
Ces questions ont par ailleurs relancé le débat sur l’euthanasie active (injection d’un produit létal) en pointant les faiblesses des mesures de fin de vie : « une situation qui peut durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, n’est pas humainement tolérable. ». Un débat qui s’appuie également sur les décisions de pays voisins tels que la Suisse qui a adopté le suicide assisté, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, qui pratiquent tous l’euthanasie active et l’Espagne qui l’a récemment adoptée en juin 2021.
En France, la question de l’euthanasie active a été débattue au parlement le 8 avril 2021, mais les 3 000 amendements déposés n’ont pas permis de légiférer sur l’ensemble des propositions. Un débat ajourné donc.