Tutelle : définition et application
Mesure de protection juridique la plus complète, la tutelle intervient lorsque les facultés mentales ou physiques d’une personne vulnérable se trouvent affectées au point d’empêcher l’expression de sa volonté. Dans ce cas, une personne majeure peut être subrogée par un tuteur dans tous les actes de la vie civile. Concrètement, il s’agit de substituer une personne par une autre afin d’agir en son nom.
L’objectif est de protéger un individu de lui-même, ainsi que son patrimoine, lorsque ce dernier ne se trouve plus en position d’agir dans son intérêt propre.
La mise sous tutelle est individualisée et proportionnée en fonction du degré d’altération de la personne concernée. La demande doit être étayée par un avis médical à l’aide d’un certificat médical circonstancié.
Dans le cas spécifique de la personne âgée, la mise sous tutelle est décidée sur demande formelle ou à la suite d’une mesure de curatelle, lorsque l’état de la personne s’est aggravé. Le régime de tutelle des majeurs est défini dans les articles 440 et 492 à 507 du Code civil.
Tutuelle ou curatelle : quelle protection choisir ?
Mesures judiciaires ayant vocation à protéger un individu et son patrimoine, tutelle et curatelle sont deux procédures similaires décidées par le juge des contentieux et de la protection. Toutes deux s’adressent à des personnes présentant une altération de leur état de santé mental ou physique en raison du vieillissement, d’un handicap, d’une maladie ou d’un accident.
La tutelle est toutefois bien plus lourde de conséquences pour la personne protégée car son tuteur prend en charge l’ensemble des actes de la vie civile. Plus souple, la curatelle permet au senior vulnérable de conserver en grande partie son autonomie. Il bénéficie cependant des conseils et de l’accompagnement de son tuteur dans certains actes de la vie civile.
Décidé par le magistrat, le choix de la mesure est donc guidé par le niveau d’altération des facultés du majeur à protéger.
Comment placer une personne sous tutelle ?
Étape 1 : La demande de mise sous tutelle
L’ouverture d’une tutelle peut être demandée par plusieurs individus :
- La personne âgée elle-même ou son conjoint (mari ou femme, partenaire de PACS, concubin),
- Un membre de sa famille ou de l’entourage proche (enfants, frère ou sœur…),
- Une personne qui entretient des liens étroits et stables avec elle,
- Une personne qui exerce déjà un mandat de protection juridique (mandataire spécial ou curateur),
- Le Procureur de la République.
Bon à savoir : Ce sont ces mêmes personnes qui seront habilitées à présenter une demande de réexamen afin de prolonger la durée de la tutelle si besoin.
Le dossier de demande est adressé au juge des contentieux et de la protection auprès du Tribunal judiciaire du lieu de résidence de la personne âgée, et comporte :
- Le formulaire de demande Cerfa n° 15891-03 rempli et argumenté,
- La copie intégrale et de moins de 3 mois de l’acte de naissance de la personne âgée,
- Les copies des pièces d’identité de la personne et du demandeur,
- Un certificat médical circonstancié établi par un médecin agréé. La liste des praticiens habilités à réaliser ce type de certificat est définie par le procureur de la République et disponible auprès du greffe juge des contentieux de la protection,
- Un justificatif du lien de parenté entre le demandeur et la personne âgée,
- La pièce d’identité et le justificatif de domicile de la personne désireuse d’être tuteur,
- La lettre des membres de la famille acceptant cette désignation.
Sauf empêchement motivé par certificat médical, le juge auditionne la personne à protéger, qui peut être assistée d’un avocat ou de la personne de son choix (sur accord préalable du juge), ainsi que le demandeur.
Si les circonstances l’exigent, la personne âgée pourra être placée temporairement sous sauvegarde de justice, dans l’attente du jugement.
Étape 2 : La désignation du tuteur
Le tuteur est désigné par le juge des contentieux et de la protection, en priorité parmi les proches de la personne vulnérable : il faut donc apporter la preuve de son lien avec la personne âgée, de l’accord des membres de la famille et de sa capacité à assurer cette fonction. Le magistrat prend en considération la situation familiale, le patrimoine qui se trouve en jeu ainsi que les compétences et les motivations des potentiels tuteurs.
Le juge tient également compte du souhait de la personne âgée, et peut nommer le tuteur choisi par celle-ci si les trois conditions suivantes sont réunies :
- La personne accepte d’être tuteur,
- La personne est majeure et jouit de ses droits civils et civiques,
- L’intérêt de la personne âgée est préservé.
C’est généralement un membre de la famille, très souvent le conjoint, qui est désigné par le juge.
Le juge peut désigner un subrogé tuteur, chargé de surveiller la tutelle et de vérifier le compte de gestion, ou à défaut un tuteur ad hoc (nommé pour un acte précis ou une durée limitée).
S’il s’avère impossible de nommer un proche, le tribunal désigne un professionnel inscrit sur une liste établie par le préfet. On parle dans ce cas de « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ». Ce dernier devra être âgé de plus de 25 ans (ou de 21 ans dans certains cas), avoir un casier judiciaire vierge, disposer de compétences pour assurer sa mission (diplômes, expérience…), détenir un certificat national de compétences de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (CNC MJPM).
Bon à savoir : Il est également possible que plusieurs tuteurs soient nommés par le juge : un tuteur désigné pour protéger la personne et un tuteur responsable de son patrimoine par exemple.
Étape 3 : le recours en cas de refus de la mise sous tutelle
Si le juge refuse la mise sous tutelle, seul le demandeur est habilité à former un recours en faisant appel de la décision.
Si un tuteur autre a été désigné, le recours contre cette décision peut être porté par la personne âgée elle-même, par la personne souhaitant devenir tuteur ou bien par tout tiers concerné (famille et entourage proche).
L’appel doit être exercé par lettre recommandée avec accusé de réception adressé au greffe du tribunal dans les 15 jours suivant le jugement ou sa notification.
Quels sont les effets de la mise sous tutelle ?
Pour la personne visée par la décision, la mise sous tutelle entraîne une incapacité juridique totale. Un tuteur désigné lui est substitué afin de la représenter dans tous les actes de la vie civile.
Ce tuteur effectue l’ensemble des actes d’administration, à l’exception de ceux concernant les décisions relatives au logement principal de la personne âgée, qui doivent être autorisées par le juge. Le magistrat nomme au cas par cas la personne autorisée à effectuer les actes de disposition (emprunt, cession, legs, don) : le tuteur ou exceptionnellement la personne sous tutelle.
Sauf décision contraire, la personne conserve son droit de vote. Elle peut également accomplir seule les actes dits strictement personnels, sous réserve d’en informer au préalable son tuteur (mariage, reconnaissance d’un enfant, voire la rédaction d’un testament avec l’autorisation du juge, testament qu’elle pourra révoquer seule).
Le juge peut par ailleurs décider de la mise en place d’une « tutelle allégée » permettant au majeur d’accomplir certains actes définis, seul ou avec l’assistance de son tuteur.
Bon à savoir : La mise sous tutelle ne prive pas de l’autorité parentale.
La tutelle sur la protection de la personne
Depuis la réforme des tutelles du 1er janvier 2009, la mise sous tutelle protège tant les biens du majeur que la personne elle-même. Les champs d’intervention du tuteur sont les suivants :
- La préservation des libertés et des droits fondamentaux de la personne vulnérable,
- La préservation de l’intégrité morale et physique et de la sécurité de la personne sous tutelle,
- L’assurance de lui assurer des conditions de vie dignes, dans le respect du mode d’existence de la personne protégée.
La tutelle sur la protection des biens de la personne
Le tuteur est chargé d’assurer la gestion courante du majeur placé sous tutelle en respectant le budget imparti par le juge. Concrètement, il s’agit de réaliser l’ensemble des actes d’administration permettant de gérer les ressources et les dépenses de la personne concernée.
En tant que représentant légal du senior vulnérable, le tuteur prend en charge les actes de dispositions qui engagent le patrimoine (emprunt, achat, vente…) ainsi que les donations que la personne protégée souhaiterait engager auprès de ses proches.
Les biens protégés par une mesure de tutelle sont de plusieurs types. Il peut s’agir :
- De comptes bancaires et d’assurances-vie,
- De biens immobiliers,
- De biens meubles, soit des objets transportables (mobilier, électroménager, véhicules…),
Afin d’assurer la protection de ces biens, un inventaire du patrimoine du majeur protégé est réalisé au début de la mise en place de la mesure. Cet inventaire peut être réactualisé si nécessaire au cours de la tutelle.
La personne protégée dispose par ailleurs du droit à conserver son logement et ses effets personnels ainsi qu’à détenir un compte bancaire personnel permettant de prendre en charge ses frais courants.
Bon à savoir : La personne sous tutelle dispose de la possibilité de s’adresser au juge pour contester un acte de son tuteur avec lequel elle se trouve en désaccord.
Quels sont les obligations de la personne désignée tuteur ?
Le tuteur est tenu de gérer en « bon père de famille » et d’accomplir les actes conservatoires nécessaires à la préservation du patrimoine de la personne protégée. Afin d’assurer la meilleure protection possible au senior vulnérable, il est tenu par la loi à plusieurs obligations :
- Obtenir le consentement de la personne sous sa tutelle, exception faite des situations où les facultés mentales se trouve trop altérées.
- Informer le majeur protégé des conséquences des actes mis en place en tenant compte de son niveau de compréhension.
- Maintenir des relations entre la personne âgées vulnérable, sa famille, ses proches et les intervenants professionnels.
- Respecter le droit de la personne protégée à prendre des décisions relatives à sa santé,
- Respecter le droit du majeur protégé à jouir d’une vie de famille autonome (avoir un conjoint, se marier, divorcer…),
- Et cætera.
Le tuteur est tenu de rendre compte annuellement au juge des contentieux et de la protection ainsi qu’au senior concerné par la tutelle en remettant un compte annuel de gestion retraçant les opérations financières effectuées lors de l’année passée. Celui-ci doit également veiller à ce que la personne et ses biens soient bien assurés.
Bon à savoir : Le tuteur peut être autorisé par le juge à agir sans l’accord de la personne vulnérable dans certains cas tels qu’une situation de mise en danger.
Quelle est la durée d'une mise sous tutelle ?
La mise sous tutelle est décidée par le juge des contentieux et de la protection pour une durée limitée. Généralement fixée à 5 ans, cette durée peut être étendue à 10 ans s’il est établi que l’altération des facultés de la personne ne connaîtra pas d’amélioration. On pense par exemple aux situations impliquant une maladie neurodégénérative tel qu’Alzheimer. Dans ce dernier cas, le renouvellement de la tutelle ne peut excéder 20 ans.
La mesure peut être renouvelée ou allégée dans sa durée à tout moment par le juge.
La mise de tutelle est susceptible de prendre fin :
- Lorsque la mesure arrive à son terme,
- À tout moment, lorsque le juge décrète que la tutelle n’est plus nécessaire, sur demande du senior protégé ou des personnes habilitées à être demandeur (les mêmes que celles susceptibles de demander l’ouverture de la mesure). On parle dans ce cas de mainlevée de la mesure de tutelle,
- Lorsque la tutelle est remplacée par une curatelle,
- Lorsque le suivi et le contrôle de de la personne protégée deviennent impossibles car celle-ci a quitté le territoire national,
- En cas de décès du majeur protégé.
Que se passe-t-il lors du décès de la personne sous tutelle ?
Lorsque survient le décès de la personne placée sous tutelle, le tuteur est dessaisi de plein droit. Il doit présenter le compte de gestion clôturé au juge des contentieux et de la protection, aux héritiers ainsi qu’au notaire chargé de la succession dans les 3 mois suivant le décès.
Cette présentation devra comprendre plusieurs éléments :
- La copie des 5 derniers comptes de gestion,
- L’inventaire du patrimoine réalisé en début de mesure et ses éventuelles modifications,
- L’ensemble des actes notariés,
- Un relevé Ficoba (fichier national des comptes bancaires et assimilés) permettant de recenser tous les comptes bancaires détenus par la personne,
- Les éventuels contrats d’assurance-vie et leurs bénéficiaires.
En l’absence d’ayants droit, le tuteur doit demander au tribunal de grande instance du domicile de la personne décédée la nomination du Domaine (service public en charge des successions vacantes) comme curateur, et transmettre les éléments relatifs à la tutelle opérée.
Le tuteur est par ailleurs tenu de s’assurer que les obsèques du majeur protégé se déroulent selon ses volontés. Dans le cas où une assurance obsèques a été souscrite, il se doit également de veiller au bon respect des clauses définies dans le contrat.
Bon à savoir : Les héritiers de la personne protégée disposent de 5 ans pour contester la gestion du tuteur.